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Sandra Simonin, Être maman différemment


L'écriture permettrait de se reconstruire face au drame. Qu'en est-il de ces parents qui ont vécu la tragédie de la perte d'un bébé ? Pourquoi ont-ils décidé d'écrire leur histoire? Quels messages ont-ils souhaité passer à travers leur témoignage?


Chaque mois, sur ce blog à la rubrique 'Rencontre littéraire', vous retrouverez l'interview intégrale de l'auteur d'un ouvrage sur le deuil périnatal.



Présentation


Le témoignage bouleversant d'un double deuil périnatal. Sandra nous emporte avec beaucoup d'émotions dans son combat pour être maman, avec force et courage, elle affronte avec son mari le pire, perdre deux enfants successivement. Et au bout du chemin douloureux, solitaire, complexe, l'espoir renaît.


A propos de ton parcours


Quelle est la composition de ta famille? Comment est venu ton désir d'enfant, ton projet de grossesse?

J’ai 34ans et je suis en couple depuis 17ans. Depuis notre tout début de relation nous savions que nous aurions ensemble des enfants, j’en voulais 3, mon mari 2. Notre projet c’était celui de milliers d’autres jeunes adultes, avoir un travail stable et un logement adapté pour y accueillir notre premier enfant.


A quel terme s'est arrêtée ta grossesse? Que s'est-il passé?


En 2009, je suis tombée enceinte alors que j’étais sous pilule. Notre fils Stan devait naître pour Pâques, un joli petit poussin que nous attendions si impatiemment... Il est mort-né le 1er juin 2009, à 23sa, sans raisons apparantes. Lors d’un passage aux toilettes j’ai apperçu ma poche des eaux, je me suis rendue aux urgences il était décédé. J’ai dû accoucher par voies basses dans la foulée. Après avoir passé toute une batterie d’examen où aucune réponse ne nous a convaincu de la perte de notre premier petit amour, 13 mois plus tard, j’ai voulu relancer l’aventure bébé. Malheureusement à 25sa, ma poche des eaux s’est rompue, infectée, j’ai dû accoucher par césarienne en urgence, afin de tenter de sauver la vie de notre deuxième petit garçon. Après 3 semaines de survie notre petit Tayler nous a quitté.


Les résultats d’autopsie pratiqués sur nos enfants n’ont rien donnés, ils n’étaient pas malades et ne présentaient pas de malformations. Cependant, une défaillance du col à clairement été observée lors du second accouchement (pour lequel j’ai dû avoir recours à un cerclage Mc Donald ou dit «simple»).



Peux-tu nous décrire la manière dont l'équipe médicale t'a accompagné ? Quelle place a été accordée à ton conjoint dans cet accompagnement?

Pour Stan, ça a été en tout point différent, nous étions aux urgences, jeunes, et nous étions un cas d’école pour l’équipe qui nous a «accueillie». Mon mari était à mes côtés mais aucune attention personnelle ne nous a été adressée. Il était là lui parce qu’il le voulait et non parce que l’équipe l’a encouragé, l’a soutenu.


D’ailleurs, j’ai dû attendre plus d’1h30 que l’on s’occupe de nous dans la salle d’attente des urgences. J’étais à l’agonie lorsque j’ai forcé mon mari à aller les trouver, pour l’équipe nous étions déjà «pris en charge» (quelle belle expression hein !)



Comment s'est passé l'accouchement ? Le retour à la maison ?


Pour Stan, ça a été un réel traumatisme, mon 1er bébé, mon 1er accouchement, brutal, douloureux dans les sensations et les ressentis où pas grand chose ne m’a été expliqué...

Une aide psychologique nous a été proposé mais rien d’assez contenant et sur le long terme pour tenir un tel choc une fois le ventre et le coeur vides.


Rentrer à la maison sans son bébé c’est la pire des choses, tout est anéanti. Tout est vide de sens, de saveur. La vie n’a alors plus aucun goût. Et pourtant, elle continue qu’on le veuille ou non.



A propos de ton livre


Pourquoi as-tu voulu écrire ton histoire ?


Pour lever le tabou du deuil périnatal, mais aussi et surtout pour encourager, informer les futurs parents que face à des «échecs» de grossesses, des solutions existent. Les futures mamans doivent s’écouter, être à l’écoute de leur corps et de leurs intuitions, au delà même du discours de leur praticien. Changer en si cela est nécessaire et s’entourer de personne de confiance qui vont se battre avec vous pour tenter de réaliser votre projet de maternité.


Combien de temps as-tu consacré à l'écriture de ton livre? A-t-il été facile de trouver un éditeur? Qu'as-tu ressenti à la publication de ton témoignage?

Initialement j’écrivais pour moi, pour exorciser la douleur, faire une rétrospection de mon parcours, laisser une trace de mon histoire pour ma famille, poser des mots/maux... Puis en lisant bons nombres d’autres témoignage de parents esseulés/orphelins/ désenfantés/ par’anges, je me suis dit que mon histoire était quand même assez particulière et que sans doute je n’étais pas la seule dans ce combat et mon récit pouvait aider. J’ai mis 7 ans à la publier, à la «lâcher», à la confier... c’est pas si facile d’écrire, car l’écrit reste et les mots peuvent peser lourd alors je me suis appliquée...


Etant novice dans l’édition, j’ai opté pour thebookedition.com, car j’ai aimé le concept, simple, libre, je m’y suis reconnue.


Que souhaites-tu dire à tes lecteurs ?


Depuis l’édition du livre en décembre dernier, j’ai eu tellement de retours bouleversants que je les remercie encore une fois ici pour leur soutien dans ma démarche. Quant aux futurs lecteurs, je veux leur dire qu’un combat ne se gagne jamais seul, c’est nourri des expériences traumatiques d’autres par’anges que j’ai réussis à trouver mes solutions, mes réponses pour avoir la force de mener à bien une grossesse parfaitement contrôlée en 2014.


Mon livre n’a pas d’autre but que l’entre-aide dans ce que la vie peut nous faire vivre de plus terrible par la perte de nos enfants. Car ce deuil est un raz de marée dans toutes les branches de nos vies, c’est un deuil impossible, indicible, contre-nature et pour s’en relever il faut trouver les bonnes armes/âmes.


A propos du deuil périnatal


Quel est le souvenir le plus douloureux de ton parcours de mamange ? Quel est le souvenir le plus doux que tu gardes de ton fils ?


Toutes ces phrases assassinnes que tous les paranges connaissent (tu es jeune, tu en feras d’autres/ il devait avoir un problème c’est mieux maintenant que plus tard quand tu auras des souvenirs avec lui, mieux vaut ça que d’avoir un enfant handicapé à vie...).

Dans mes malheurs j’ai eu la chance de croiser de bonnes âmes qui m’ont offert les plus beaux des cadeaux: la bienveillance.


Même si pour Stan, l’accouchement a été terriblement brutal, j’ai pu recueillir des photos de lui, et elles me sont si précieuses.


Pour Tayler, se sont ses 21 jours passés en réa où l’ensemble de l’équipe a été tellement bienveillante envers nous... Nous les portons dans notre coeur à tout jamais. Grace à elle nous avons profité comme nous le souhaitions de notre petit coeur, nous avons été là pour tous les actes de sa vie quotidienne: merci !


Comment réussis-tu à faire vivre tes enfants au quotidien?

Ils vivent à travers tout ce que j’entreprends pour moi, pour autrui. Ils sont dans mes tatouages, dans la décoration de ma maison, dans ma passion pour les fleurs, dans la musique qu’ils aimaient écouter, dans la nourriture que je mangeais enceinte et qui les faisait danser... Ils sont partout où je suis, partout où je pense à eux.


Penses-tu que le deuil périnatal est assez abordé ? A l’hôpital ? Dans les médias? Quelles sont les actions que tu aimerais voir se mettre en place ?


Du haut de mes 11 ans d’expérience de mam’ange, les mentalités, les prises en charge, les formations du personnel a évolué de manière considérable même si des choses sont encore à améliorer. Le taboo qui rôde autour de la mort de nos tous petits semble perdre du terrain, par le biais de livres, de films, de séries, par les espaces de parole qui sont offerts par les différents médias aux parents endeuillés.


Le mot de la fin


Je remercie très fort Johanna pour cette si belle opportunité de parler de mes enfants, Stan, Tayler et leur petite soeur Hélena qui est née en parfaite santé en 2014 et à qui je dédie mon livre.


Je remercie mon Mari qui me soutient une fois de plus dans ma démarche de parler de nous au plus grand nombre.


Par notre double triste sort, je veux que les larmes ne soient plus amères, qu’elles soient salvatrices pour aller vers le chemin du pardon, de la résilience pour voir naître de beaux projets, tels qu’ils soient.


Courage à tous ceux qui sont touchés de près ou de loin par la perte d’un enfant.



Un grand merci à Sandra pour le temps accordé à cet entretien. On pense très fort à Stan et Tayler.

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