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Note 1.1

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Prologue

Serrer son enfant dans ses bras, même mort, donne à cet accouchement surréaliste une réalité tangible et m’a permis de renoncer à cet ‘enfant imaginaire’, celui de la grossesse qui est idéalisé. Oui Angelina existe, elle est devant moi. Je peux regarder son doux visage et chaque détail de son corps, toucher ses mains minuscules, sentir son odeur de bébé, embrasser son petit nez qui refroidit si vite.

Tous mes sens sont en éveil, sauf l’ouïe puisqu’elle est née sans un cri, je fais donc abstraction de ce qui peut se dire dans la salle de naissance. Avec le recul, personne ne parlait, la sage-femme, l’auxiliaire de puériculture et l’anesthésiste, n’osaient dire un mot, elles échangeaient juste des regards gênés. J’éprouve le désir maternel fort de lui donner le sein, cette tétée de bienvenue que j’ai donnée à chacun de mes enfants qui marque un lien affectif et fusionnel entre la maman et son bébé. Cette incapacité à le faire marque pour moi la fin de ma maternité, j’ai accouché de mon enfant que je ne pourrais pas materner au quotidien. Mon deuil de la maternité commence concrètement à cet instant, mon enfant est décédé, mes larmes ne la ramèneront pas à la vie, ni celles de son papa submergé par le chagrin et la douleur de voir le corps de sa fille sans vie, cette petite fille qui lui ressemble tant.

Un moment suspendu

 

Angelina, mon bébé si parfaitement imparfaite.

 

Elle est si jolie malgré la maladie. Oui ses oreilles sont un peu basses, son front est très haut, ses pieds sont tournés vers l'intérieur, les deux derniers doigts de sa main droite sont collés, cette trisomie 18 n'a eu aucune pitié de son petit corps vulnérable. Mais moi je la trouve si belle, elle ressembe tellement à sa soeur et son papa, elle a leur joli nez un peu épaté, la forme arrondi de leur visage, de longs doigts et leur petit menton fuyant; comme sa maman, sa bouche est fine et délicate, ses yeux fermés ont la forme d'une amande. Nous la confions à l'auxiliaire de puériculture qui se charge de la préparer afin de nous présenter notre notre enfant nettoyé, habillé. Le temps me semble long, je perds patience, j'ai besoin d'avoir mon bébé près de moi, mon corps la réclame. Une vingtaine de minutes plus tard, elle réapparaît avec notre bébé dans les bras. Ainsi ce n'est plus un foetus malformé qu'elle nous présente mais un enfant nettoyé et habillé dignement, un lange blanc à sa taille et un bonnet tricotés par les formidables bénévoles de l'association Lou'Ange . Angelina donne même l'impression de nous sourire. 


Les larmes ruissellent le long de mes joues, mais je refuse de craquer, je n'ai qu'une obsession c'est de profiter de ce court moment pour immortaliser l'image de mon bébé né sans vie. Je demande à mon mari de prendre des photos d'Angelina afin de ne jamais oublier les détails de son visage, et aussi comme une preuve irréfutable de son existence en dehors de mon ventre, cete réalité dont nous avons besoin pour accepter l'inacceptable. Nos visages sont graves, tristes, loin de la joie des jeunes parents posant fièrement devant la bouille de leur progéniture. Mais nos yeux sont tout aussi remplis d'amour pour notre fille, un amour éternel que même la mort ne peut briser. Mon mari blottit sa fille contre son torse à l'intérieur de son gilet, comme pour la réchauffer, un instinct de protection paternel qui prend un sens tellement symbolique à ce moment.

La sage-femme revient dans la salle pour nous annoncer que le temps touche à sa fin. Nous ne sommes pas encore prêts à nous séparer de notre enfant et lui faisons part de notre souhait de rester encore un peu avec elle. V. nous répond avec indélicatesse : 'Appelez-moi quand vous en aurez assez!' Nous sommes choqués par ses propos odieux. Assez de quoi? De qui? Quel manque d'empathie et de respect pour nous parents endeuillés! J'aurais aimé plus de tolérance et de disponibilité de la part de cette soignante. Je regrettais profondément la sage-femme  A., si douce et à l'écoute, qui nous aurait sûrement laissé autant de temps que nous l'aurions souhaité sans éclaté notre bulle d'intimité avec notre fille. 

Comment se contenter de quelques heures dans un moment si intense? Nous avons eu le droit à seulement 3 heures accordées pour câliner, chérir, embrasser notre enfant, ces 3 heures d'amour inconditionnel à lui donner sans retenue, ces 3 petites heures pour lui faire nos adieux.

Le corps de notre fille sera transféré dans la nuit au service mortuaire d'un autre hôpital de la ville. Pendant que mon mari et moi passerons la nuit dans une chambre du service gynécologique avant de rentrer chez nous au petit matin sans notre bébé dans les bras, le coeur à jamais déchiré. 

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