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Note 1.1

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La décision du père

Mon conjoint est d’accord avec les recommandations de la gynécologue de pratiquer l’IMG dès la semaine prochaine. Il ne veut pas repousser l’inévitable et encore moins entendre parler de soins palliatifs. Choisir l'IMG rapidement lui permet de se protéger et de me protéger (à tort) d'une souffrance qu'on pourrait abréger si on le souhaite. Ses mots me transpercent le cœur, sa première réaction est violente. Comprend-il que je vais accoucher en toute conscience d’un bébé mort, de notre enfant sans vie? Que ce n’est pas une petite intervention chirurgicale qui fera disparaître le ‘problème’ et nous faire revenir à notre vie d’avant? Plus rien ne sera comme avant.

 

A ce stade de la grossesse, le bébé existe uniquement dans la tête du père, il ne chemine pas de la même façon que la mère qui porte l’enfant dans son corps et pense aux différentes issues possibles. Le père pense la grossesse d’une manière cérébrale et ne crée pas de lien rapidement avec l’enfant à naître. Il peut être amené à voir une seule solution, faire cesser d’exister cet enfant par l'IMG afin de revenir à la situation d’avant, d’effacer les mois où le bébé était présent.

Je ne peux pas lui en vouloir de penser ainsi, chacun réagit différemment face à ce genre de décisions. Mon conjoint comprend que me séparer de notre bébé nécessite que je me sens prête et que j'ai besoin d'un peu plus de temps que les huit jours que le corps médical veut bien me donner.

Ma décision n'est pas encore prise mais je lui demande de m'accompagner à tous les rendez-vous médicaux ainsi il prendra conscience de la réalité de l'IMG et comprendra mieux mon ressenti. 

Son soutien

Mon mari m'aide à travers ses actions, il prend soin de notre famille, il occupe les filles sur son temps libre (elles sont en vacances), joue avec elles, fait tout le ménage, les repas, prend tout ce qu'il peut à sa charge pour me permettre, moi, de réaliser mon pré deuil et de pleurer dès que j'en ressens le besoin du temps que je me remette de ce seïsme. Nous voulons protéger nos enfants avant tout, et leur père est définitivement le roc de notre tribu. La vie de famille continue grâce au père, fort et inébranlable, répondant aux normes masculines de la société, un 'vrai homme', qui réprime ses émotions, protège sa femme en donnant l'image d'un bon mari invulnérable devant l'adversité. 


Un homme, un vrai n'a pas peur de montrer ses émotions. Et mon mari, formaté à encaisser les coups durs par son environnement social et culturel, l'apprendra au cours du drame familial qui nous touchera au plus profond de notre cœur. Il s'écroulera de douleur en salle d'accouchement devant le corps sans vie de son enfant, il essuiera ses larmes en se confiant à sa mère sur la souffrance qui le submerge, il pleurera de chagrin avec son grand frère au présentoir de la morgue du CHU. 

Perdre un enfant n'est pas une épreuve que le parent doit surmonter, c'est une tragédie, un drame qui transforme celui ou celle qui le vit à tout jamais.

Le tatouage

Le père d’Angelina ressent très vite le besoin de mettre des mots sur la manière dont il vit son deuil. A peine le prénom confirmé, mon mari fait une folie, un geste d'amour complètement dingue et prématuré, il se fait tatouer Angelina au-dessus de ses clavicules. Le tatouage est magnifique, l'écriture est douce et puissante à la fois. Je respecte son désir d'exprimer son amour, c'est sa fille, d'ailleurs le prénom de chacun de ses enfants est tatoué sur une partie caché de son corps. C'est  difficile de poser les yeux sur Davy sans remarquer les lettres dépasser de son t-shirt à col rond, à chaque fois les larmes me submergent. Le tatouage lui permet d’exprimer son besoin de faire vivre sa fille à travers son tatouage comme la marque d'un amour indélébile, ancré à vie sur sa peau, elle vivra à tout jamais à travers son père.

 

De nombreux paranges se font tatouer leur enfant décédé sur leur corps. Il peut s’agir du prénom, des initiales, de la date de naissance, des empreintes de pieds, d’une paire d’ailes, ou d’autres symboles du passage aussi furtif soit-il de leur bébé. Le tatouage est considéré comme un rituel qui suit le décès de l’enfant, d’autres parents planteront un arbre. Le but est de continuer à faire exister l’enfant au-delà de la mort, et d’accepter cette fin tragique.

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