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Les obsèques de son enfant

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Comme un évidence au retour à la maison. Nous, parents d'Angelina, n'abandonnerons pas le corps de notre enfant. Nous allons organiser par nous-mêmes ses funérailles, accompagner notre fille jusqu'au bout de son court chemin. 

Chambre mortuaire

Je ressens le besoin de voir mon enfant en post-partum. Elle me manque terriblement, tout mon corps la réclame et c'est insupportable de ne pas la voir, la toucher, la sentir ou l'embrasser. Je persuade mon mari de m'accompagner et appelle la chambre mortuaire du CHU pour leur indiquer notre venue, ce qui laisse aux agents une vingtaine de minutes pour installer 'la petite Angelina' au présentoir. L'image de mon bébé seule au milieu du présentoir me hantera toute ma vie. Elle semble endormie, apaisée, dans ce petit lit de verre qui trône au milieu de cette pièce vide, triste et froide. La gorge nouée, les yeux brouillés de larmes, je tire le lit vers les chaises qui longent le mur et redispose les effets personnels d'Angelina pour mieux l'entourer de notre amour. Je déplace la photo de mariage de ses parents au-dessus de sa toute petite tête afin de veiller à jamais sur elle, les courriers de ses sœurs à sa gauche au plus près de son cœur, son petit doudou sur sa droite près de son visage, le foulard imbibé de l'odeur de son papa sur son petit corps tout froid. Nous restons une heure ou deux et reviendrons chaque jour lui parler, la bercer, la serrer dans nos bras, la pleurer, pouvoir passer ces longs moments d'intimité avec notre douce Angelina nécessaires à notre deuil. 

Le dernier jour, ma fille aînée exprime le désir fort de nous accompagner, de rencontrer cet autre membre de la famille avant qu’il ne soit trop tard. Elle prend sa 'minuscule' sœur avec beaucoup de délicatesse, la serre contre son visage et la couvre de baisers. Je ne peux retenir mes larmes et elle non plus. Comme ce monde peut être cruel!

Mon mari entre à son tour dans le présentoir avec son frère, nous les laissons faire leurs adieux à Angelina. Ce moment aura été très douloureux pour eux également. Je suis touchée par la présence de mon beau-frère, son soutien infaillible pour mon mari, le fait qu'il soit venu rendre hommage à notre fille. Sa femme n'a pas souhaité voir Angelina, je peux le comprendre, c'est inconcevable de se confronter au cadavre d'un bébé, qui plus est n'est pas le sien.

Pompes funèbres

L'après-midi, nous avons rendez-vous à la maison des Pompes Funèbres de notre quartier, c'est la première fois que je rentre dans une de ces agences. Nous sommes accueillis par une conseillère funéraire qui s'était entretenue au téléphone en amont avec mon époux. Avec douceur et bienveillance, elle tente de nous accompagner au mieux dans notre démarche de parents endeuillés. Nous choisissons le cercueil et l'urne de notre enfant comme nous optons pour la crémation. La crémation est un procédé funéraire qui vise à brûler et réduire en cendres le corps d'un être humain décédé. Elle nous explique le déroulé de la journée du  mercredi 10 avril et nous invite à revenir à l'agence le jeudi 11 récupérer les cendres de notre défunt enfant afin de procéder ultérieurement à leur dispersion.

La mise en bière

Mon mari et moi-même nous rendons à 14h00 à la chambre mortuaire du CHU,  tous deux vêtus de noir. J'apprendrais bien plus tard que la tenue blanche est plus appropriée pour les obsèques d'un enfant, couleur de pureté. Nous nous recueillons au-dessus de son minuscule cercueil, une photo A4 de notre bébé posé avec soin sur un chevalet (photo envoyée par l'Asso Souvenange que je ne remercierai jamais assez). La plaque du cercueil porte le nom complet de notre enfant, son prénom, le nom de son père et celui de sa mère accolés, cette initiative de l'agence funéraire nous a particulièrement touché.

Une fois le cercueil scellé par l'officier de police, les agents funéraires transportent avec émotion la dernière demeure de notre ange dans le corbillard. Nous les suivrons jusqu'au crématorium de Colomars à une vingtaine de kilomètres de Nice Est. 

La crémation

Nous nous présentons à l'accueil du crématorium, un membre du personnel nous annonce que des invités sont déjà arrivés. Je n'y crois guère, Davy, si, effectivement il s'agit d'un impair, personne autour de nous ne s'est déplacé pour la cérémonie. Ma famille ne s'est pas proposé de m'accompagner dans ce drame, mon mari, plein de compassion, a préféré décliner quelques propositions de son côté, nos amis de la région n'ont pas osé venir. Le maître de cérémonie, nous invite donc à nous positionner au plus près du cercueil de notre fille, il installe deux chaises sur l'estrade non loin du pupitre où il n'y aura pas de discours, met de la musique en fonds sonore car nous avons fait le choix de ne pas personnaliser la cérémonie (mon mari ne souhaitant pas avoir de chansons qui lui rappelle ce moment trop douloureux) et se retire sur le côté de la salle pour nous laisser notre intimité. Chacun de nous dit un petit mot à notre fille, pour moi c’est un poème, pour Davy une impro. C’est un déchirement pour nous, nous pleurons notre enfant, son petit corps sans vie qui repose dans ce cercueil, ce sont officiellement nos derniers adieux. Dans quelques minutes, notre fille ne sera plus que cendres…

16h00 : il est temps de laisser partir notre fille, d’accepter que l’heure de la crémation soit venue. Le maître de cérémonie annonce la fin de notre recueillement, il nous propose de rester jusqu’à la fermeture du rideau. Cette scénographie permet aux personnes en deuil de se séparer symboliquement du défunt, nous acceptons cette proposition douce, je ne sais pas si j’aurais supporté de visualiser sur un écran le cercueil de notre enfant entrer dans un four. Une fois l’épais rideau refermé devant le cercueil d’Angelina, le maître de cérémonie nous dit quelques mots pour nous réconforter et accompagne ses paroles par une tendre poignée de main.

 

Je suis dévastée et m’écroule de chagrin en regagnant notre véhicule sur le parking.

Quelques jours plus tard, nous recevrons par courrier l'attestation de crémation de notre fille par la Métropole de Nice.

Poème de la crémation

ANGELINA

 

Angelina,

Ton prénom c’est toi qui me l’as donné une nuit d’hiver dans un songe,

Ton regard dans le mien, ton dernier souffle rendu, non, mensonge !

A mon réveil, je te cherche sous mon nombril, je te sens, Maman est là,

Ce n’est pas réel, je me blottis contre ton papa, ça va, oui voilà !

 

Angelina,

Mais je n’ai pas su te protéger, cet horrible cauchemar est devenu réalité

Mon bébé, je ne connais pas la couleur de tes yeux ni leur intensité,

Je n’ai même pas senti ton petit souffle sur moi quand je t’ai embrassé,

Deux heures à câliner ton petit corps sans vie, ça ne sera jamais assez.

 

Angelina,

Par amour, tes parents ont choisi de te donner la mort, et non la vie,

Les médecins ne pouvaient pas te sauver à cause de ta maladie,

Celle qui t’a donné des malformations létales qu’on appelle trisomie,

Ce chromosome 18 en trop qui nous a privé de l’amour de notre vie.

 

Angelina,

Aucun parent ne devrait survivre à son enfant, c’est bien trop cruel,

Aucun enfant ne devrait rejoindre si tôt le ciel avec ses petites ailes,

Pourquoi toi ? Pourquoi nous ? Comment surmonter ce chagrin immense ?

J’ose croire qu’un jour ton passage furtif dans nos vies trouvera un sens.

 

Angelina,

Sache que ton papa, ta maman et tes trois sœurs t’aiment profondément,

Tu vivras dans nos cœurs et dans nos mémoires pour toujours assurément.

Dans mon corps, tout autour de moi, j’arrive à sentir ta présence et ton amour,

Repose en paix petit ange, ton papi saura veiller sur toi en attendant notre tour.

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